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28 février 2008 4 28 /02 /février /2008 18:32

A peine trois films sortis sur l’actuelle guerre en Irak, et déjà, la machine semble tourner à vide. Epuisé par la grande vague de films sur le Vietnam, le cinéma américain n’arrive pas à retrouver l’inventivité, la force, le pouvoir de dénonciation de l’époque. Parce qu’il n’y a plus de réalisateurs de la trempe d’alors ? Pas vraiment : bien qu’effectivement, il y a eu une grande perte de créativité de l’autre côté de l’Atlantique, il reste suffisamment de bons metteurs en scène et scénaristes pour tenir encore quelques temps. Parce qu’il n’y a plus grand chose à raconter ? Oui et non : on pourrait transposer beaucoup d’histoires inspirées du Vietnam au bourbier irakien, les redites sont donc inévitables. Mais certains sujets sont éternels, et ne doivent pas être jetés aux oubliettes sous prétexte qu’ils ont été maintes fois traités.

Hasard des calendriers ou volonté des distributeurs, « Redacted » de Brian de Palma sort dans nos salles quasiment en même temps que « Battle for Haditha ». Même sujet ( les exactions des GI en Irak ), même approche ( faux documentaires / témoignages ), et à l’arrivée, deux films bien, bien différents. Brian de Palma a toujours été un cinéaste voyeur : « Body Double », « Blow out », « Snake eyes », celui qui fut un temps vu comme le digne enfant de Hitchcock a joué, et parfois avec un génie réel, avec presque toutes les variantes de la notion de point de vue. « Redacted » suit la même logique, la poussant à l’extrême : tout ici est utilisé comme moyen narratif. Internet, caméscope, caméra de surveillance, documentaire, chaque source est une pièce de puzzle apportant un point de vue, un témoignage, à l’édifice. La notion de séquence est donc doublée d’un artifice de prise de vue, qui pourrait presque être lu comme suit ; au lieu de l’éternel « Séquence 1 – caserne – intérieur jour », il faudrait ajouter l’annotation « Caméscope ». Le film devient exercice de style, de Palma nous servant un bien beau cours de montage, réussissant à maintenir une chronologie avec ce procédé casse gueule.

Mais l’émotion dans tout cela ? Car comment immerger le spectateur dans la vie de cette garnison de GI si nous sommes continuellement présents ? Le réalisateur assume la présence de la caméra, et il l’impose donc à ses personnages, par le biais du GI Alvarez, jeune troufion faisant l’armée pour entrer en fac de ciné, et filmant tout en vu de monter son « journal d’une guerre ». De ce fait, impossible pour les autres de faire comme si elle n’était pas là, et beaucoup de séquences ne sont au bout du compte qu’un témoignage tronqué par sa présence. Du coup, de Palma est obliger de tricher un peu pour les deux séquences principales du métrage ( la mort d’un Sergent et la fameuse scène de la bavure ) : il fait en sorte qu’Alvarez soit oublié, il le met un peu hors action, bien conscient qu’un minimum de distance est nécessaire. Et les deux séquences d’être celles qui fonctionnent le plus, celles qui tétanisent, qui horrifient.

Quid du reste ? Un catalogue des moyens de communications modernes, une neutralité qui noie un peu la force du message dans un défilé de changement de grain, de cadre ( docu filmé avec un peu trop de classe, puis le caméscope, passage par le net, détours par le reportage télé, ça fatigue à force ), et impression qu’au bout du compte, « Redacted » se rajoute à la déjà très longue liste des films sur la guerre, quelle qu’elle soit, où qu’elle soit…

Exercice de style plus qu’œuvre de cinéma, le film souligne surtout l’obsession de son réalisateur pour le média comme témoin d’une époque. Il pose aussi une question dérangeante : qu’elle est donc la différence entre cette guerre et toutes les autres ? « Jarhead » avait donné un nouvel éclairage ( sur la précédente, toute fois ), en nous expliquant qu’on y passait plus de temps à attendre que dans toutes les autres. « Dans la vallée d’Elah », lui, nous avertissait : la guerre peut révéler des aspects noirs dans le cœur de nos fils et/ou frères envoyés au combat. Mais est ce bien nouveau ? Comment arriver à maintenir l’intérêt des spectateurs pour un thème si présent dans nos cultures qu’il en est presque banalisé ? « Redacted » n’apporte pas la réponse, et c’est ce qui fait qu’il sera oublié d’ici quelques mois, à la différence d’« Apocalypse Now » de Coppola, « Fullmetal Jacket » de Kubrick, et peut être bien, dans une moindre mesure toute fois, « Dans la vallée d’Elah » de Paul Haggis. Des films au message pacifiste similaire, mais indéniablement plus puissant.

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