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Le cinéma asiatique est assurément un des rares capables de nous fournir de grandes bouffées d’air pur. Il y a deux façons d’aborder « Je suis un cyborg » de Park Chan-wook. Celle de l’approche cartésienne, de celui qui veut comprendre, à qui le cinéma actuel à donner la sale habitude de mâcher le travail, d’expliquer le pourquoi du comment. Puis la manière sensitive, viscérale, celle de celui qui entre dans une salle noire pour se laisser porter. Park Chan-wook est surtout connu pour « Old Boy », film noir où violence, humour et poésie dépeignent un univers sombre. Avec « Je suis un cyborg », il inverse totalement la vapeur, et nous offre un conte de fée burlesque qui, au fur et à mesure, gagne en poésie, en humanité. En suivant Young-goon, jeune femme internée car persuadée d’être une machine, et Il-Soon, dont on ne sait plus vraiment s’il est réellement fou ou simplement « décalé », il nous donne à voir une fable sur l’acceptation de l’autre et de soi, sur la rigidité dévastatrice d’une société coréenne trop rude, et une bien belle histoire d’amour.
Mais lorsqu’on est habitué d’avoir pour toute approche visuelle de la folie les films quelque peu redondants de Tim Burton, ou l’approche, excellente mais clinique de Milos Forman et son « Vol au dessus d’un nid de coucou », celle du réalisateur coréen a sûrement de quoi déstabiliser. Parce que le cinéma asiatique est certainement un des plus libres, si ce n’est le dernier. Il faut avoir vu du Miike, du Kitano ou du Joon-ho Bong, pour prendre la mesure de cette folie. Dans « Je suis un cyborg », il faut accepter qu’une femme obèse peut voler en frottant ses chaussettes l’une contre l’autre, qu’un jeune homme vit avec une élastique autour de la taille qui, le jour de sa mort, le renverra dans le ventre de sa mère… Bien sûr, ces personnages, ainsi que la grande majorité des autres, sont fous. D’ailleurs, la première partie du film baigne tellement dans cette dernière qu’on a du mal à s’attacher à ces pauvres gus internés, tant Park Chan-wook les filme avec une distance trop prononcée, et un burlesque un brin trop appuyé. Mais lorsqu’il entre dans leur univers, lorsqu’il fait VRAIMENT voler cette femme obèse, lorsqu’il film Il-Soon réparant Young-goon pour qu’elle ne meure pas de faim, on est conquît. Parce que ça nous parle, nous, les sains d’esprit, ça parle d’amour, d’acceptation, de deuil, d’abandon. Et sans s’en rendre compte, on glisse d’un regard mi-amusé, mi-ennuyé, vers un grand sourire de gosse heureux d’avoir appris qu’il ne faut pas manger de poulet rôti avant de prendre son envol avec une coccinelle.
Alors il y a deux façon de voir « Je suis un cyborg » : celle, cartésienne, qui vous fera sortir de la salle avec l’impression d’être passé à côté de quelque chose, et d’oublier ce film si bizarre. Puis l’autre, qui vous donnera envie de parler au néon, ou de voler un jeudi à votre collègue de travail.