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Ca fait quelques temps déjà qu’à chaque fois que je vais voir un film des frères Coen, je ressors de la salle entre la tristesse de voir tant de talent gâché et la sensation d’avoir été une nouvelle fois dupé. 10 ans (depuis « The Big Lebowski ») que les deux frères n’ont pas enfanté de long digne de leur niveau. Bien que « O’ Brother » et « The Barber » n’était pas honteux, ils n’avaient pas la folie d’un « Arizona Junior », la puissance d’un « Barton Fink », ou la noirceur d’un « Fargo ». Et « No Country for Old Men » fut. Un retour en force, un bijou, un film qui nous fait presque oublier les honteux « Intolérable Cruauté » et autres « Ladykillers ».
Llewelyn Moss, un cowboy texan, tombe par hasard sur charnier en plein désert : apparemment, un deal de drogue entre mexicains aurait mal tourné. Et bien entendu, impossible pour lui de laisser sur place les 2 millions de dollars…
Les frères Coen nous avaient déjà servi du film noir, et ce à presque toutes les sauces : burlesque, humour à froid, classique… Le polar reste certainement leur domaine de prédilection, une corne d’abondance d’où ils semblent pouvoir tirer toujours le meilleur d’eux même. C’est donc logiquement qu’on se met à penser à « Blood Simple » et « Fargo ». Mais “No Country” demande peut-être plus de patience, impose un rythme plus lent. Non pas parce que l’histoire, ou les personnages s’y prête ( « Fargo » jouait lui aussi sur le même rythme, mais provoqué par le personnage de Frances McDormand, tout comme celui de Billy Bob Thorton dans « The Barber » ), mais parce que Joel et Ethan ont besoin de cette fausse lenteur de narration pour nous amener là où ils veulent.
Tout est donc imbriqué autour de cette pierre angulaire qu’est le rythme. Les personnages observent, tentent tant bien que mal de planifier, de comprendre. Ils perdent du coup un peu de cette saveur particulière, de cette folie douce qui planait sur leurs prédécesseurs. Pour ne pas trop sombrer dans la banalité, ils donnent tout de même à Javier Bardem son rôle le plus barré à ce jour. Mais ils le canalisent, le glissent dans un univers aux repaires plus évidents. Par le biais d’une mise en scène plus contemplative qu’actrice, ils donnent à leurs personnages l’espace suffisant pour prendre le temps d’exister.
Puis il y a la musique, ou plutôt, l’absence quasi totale de musique. Du coup, ils nous forcent à écouter, ils distillent des sons de ci de là comme on égrène un scénario d’indices furtifs. D’abord déstabilisant ( les plages de silence sont légion ), le stratagème atteint très rapidement son but : nous voilà comme Tommy Lee Jones ou Josh Brolin, en train de scruter l’écran et tendre l’oreille. Les pas dans le couloir, bien que lointain, deviennent d’autant plus inquiétant, et le bip du transpondeur fait augmenter la tension avec la même efficacité que les accords de violon des « Dents de la mer ».
Enfin, et surtout, l’histoire est linéaire et avec très peu de 2nd degrés. Il y aura toujours dans les films des frères Coen deux ou trois dialogues frôlant l’absurde, des plans plus poétiques que réalistes, mais dans « No Country », ils permettent surtout de mettre en exergue la stupide absurdité de la vie. L’action y est brute, sanglante ( bien entendu ), et l’attente de celle ci devient du coup de plus en plus insupportable. Les personnages ne subissent pas ( ce qui différencie le plus le film de « Fargo », par exemple ), ils tentent d’agir au mieux, parfois la fuite l’emporte sur la confrontation directe, parfois c’est l’inverse, mais jamais nous ne les sentons pantins pris dans leur misérable condition. Ethan et Joel signe du coup un grand retour à leur premier film, « Blood Simple », avec tout le savoir faire accumulé durant plus de 20 ans de mise en scène.
Alors, une fois l’ensemble accordé, une fois le ton donné, l’œuvre prend son envol. Et après tant d’années à filmer l’absurde par l’absurde, ils filment de nouveau la vie, et elle l’est tout autant. Oubliez ce titre français stupide et réducteur : l’original vaut toute les conclusions possibles à ces quelques lignes, et délivre à lui seul le message que semble vouloir nous faire passer les réalisateurs : « No Country for Old Men ».