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L’inspecteur Bun est un profiler capable de voir les différentes personnalités vivant à l’intérieur des gens. Il les personnifie, leur donne corps, c’est ce qui fait de lui un policier hors pair, mais aussi ce qui le pousse à prendre sa retraite et vivre en reclus. Lorsque le jeune inspecteur Won se trouve confronté à une série de braquages sanglants effectués avec une arme de flic, c’est Bun qu’il va chercher pour l’aider, le sortant de sa vie d’ermite.
Stakhanoviste du cinéma de Hong Kong ( prés de 50 films en moins de 30 ans ), Johnnie To excelle dans le polar musclé à dimension humaine : mise en scène léchée, grandiloquente parfois, il insuffle à chacun de ses métrages des liens forts entre ses personnages, relevant le tout bien au dessus du simple exercice de style. Amitié, respect, honneur, la panoplie des valeurs asiatiques est souvent au grand complet dans ses films, qui du coup ( et surtout ces dernières années ) semblent tous sortis du même moule.
« Mad Detective » ne pouvait pourtant pas se glisser dans celui ci si aisément. To s’oblige à autre chose en choisissant de filmer un thème aussi cérébral ( Bun est il un schizophrène ou un médium ? ) que profondément humain ( la solitude de Bun, la volonté de croire de Won ). Il délaisse une bonne partie de ses effets de mise en scène, incompatible avec son sujet, et relègue l’enquête à l’arrière plan pour se concentrer sur Bun. D’où un film à deux niveaux, hybride, voire bancal.
Il aurait fallu que To abandonne totalement les codes du film policier pour que son film décolle complètement. La nécessité de rigueur qu’impose une enquête ne peut être amputée en partie sous prétexte qu’elle n’est pas le sujet. Prendre des raccourcis pour la résoudre, tisser de fils blancs l’intrigue est un choix louable parfois, mais rendre le tout cohérent et compréhensible est une obligation à laquelle on ne peut déroger, sans risquer de perdre le spectateur en route. To, qui pourtant faisait preuve dans ses précédents films d’une maîtrise solide, plonge le spectateur dans un fouillis mal dégrossi de flingues volés, de numéros de série falsifiés. Surtout, il n’arrive pas à élever l’enquête au dessus du simple fait divers, et on comprends mal pourquoi Won vient chercher un flic profiler pour une simple série de cambriolage.
Mais ce que To perd en rigueur, il le gagne au centuple en émotion. Lau Ching-Wan plane au dessus du monde en inspecteur Bun, sorte de clown triste aux méthodes si peu orthodoxes que chacune de ses initiatives est un moment de poésie. Bun est aussi envahissant que les « démons » qui l’aident à comprendre la psyché de ses suspects, il est le centre de toutes nos attentions, écrasant au passage l’ensemble du casting. To le cajole, le laisse libre dans toutes ses folies, et filme avec une grande tendresse ses cicatrices, son âme écorchée. Car Bun ne pouvait être aussi touchant s’il ne souffrait pas. Le réalisateur met sa technique, son sens de la mise en scène, au service de cette douleur, de cette solitude, recadrant ses grandiloquences passées au niveau d’un homme. On aurait pu craindre que le réalisateur de « PTU » et « Breaking News » n’arrive pas à s’adapter à l’intimisme du scénario. Nous sortons rassurés : To est bel et bien un auteur, capable de refreiner ses envolées lyriques, tout en gardant sa classe et sa maîtrise.
Film sur le deuil, sur l’incompréhension, film poétique ( l’ombre de Park Chan Wook plane sur l’ensemble du métrage ) et drôle, « Mad Detective » aurait gagné à être totalement débarrasser de ses oripeaux de policier, pour s’assumer en tant que comédie dramatique.