C’est fou comme les espagnols aiment les maisons hantées, les histoires qui font peeeuuuurrr, les ch’tis enfants pas gentils parce que morts… Mais on leur en veux pas, tant ils sont doués pour ça ! Doué au point de donner de véritable leçons aux américains ! Epatant pour un pays dont la production cinéma se limitait il y a encore peu à Almodovar d’un côté, et l’insaisissable Alex de la Iglesia de l’autre…
Mais ça, c’était avant l’avènement de cinéaste ultra doué comme Jaume Balaguero ( « Darkness », « La secte sans nom », de vraies bombes… ), Alejandro Amenabar (« Ouvre les yeux », « Les autres » ) ou Nacho Cerda ( « Aftermath », « Abandonned », le film le plus flippant de ces dernières années… ). Des gars croyant dur comme fer en leur histoire, respectant le genre, l’élevant très haut au dessus de la majorité des films d’horreur actuels.
Et voilà qu’un petit nouveau pointe le bout de son nez, Juan Antonio Bayona, un mec sensible, Juan, mais un élève encore un peu trop dans l’ombre de ses illustres prédécesseurs…
Bon, ce qui est chiant avec ces films de maisons qui font peeeeuuuurrr, c’est qu’il est impossible de résumé l’histoire sans foutre des « peut-être », « à moins que », « si ce n’est » à tout bout de champs. Depuis « Les autres » d’Amenabar, on a comme qui dirait l’impression que faire un film sans twist final, c’est has been… D’ailleurs, pas un des films cités plus hauts n’a pas son idée-géniales-qui-te-scotche-au-siège-à-la-fin ! Alors on va pas foutre en l’air le plaisir coupable des révélations…
Reste donc l’œuvre en soi. Comme d’habitude depuis quelques temps, un film estampillé « Nouvelle vague espagnole » est un gage de qualité. Rien à redire sur la qualité des images : c’est chiadé, ça colle à l’histoire avec cohérence, la musique sait être présente comme elle sait disparaître, vous l’aurez compris, rien ne surprend… Bayona connaît ses classiques, il les respecte tant qu’il en oublie que nous aussi, on connaît les ficelles. Le plaisir visuel est tout de même au rendez vous, les acteurs tiennent parfaitement la route ( avec un petit plus pour le gosse, Roger Princep, qui n’est ni exaspérant, ni mielleux, et un moins pour le choix de Géraldine Chaplin en médium au grand cœur, personnage pompé sans finesse sur celui de Zelda Rubenstein dans « Poltergeist », mais oui, la naine médium ! ), la bande son assure… on est presque parti pour dormir tant tout est ultra codifié.
Alors pourquoi payer 10 euros dans ce cas ? Primo, parce l’ensemble est fait avec beaucoup d’honnêteté. Mieux vaut un film sous influences mal digérées mais respectueux qu’un truc soit disant ultra original et chiant comme la mort. Il y a bien des problèmes de rythme ( trop de moments sont consacrés à l’attente, tuant parfois dans l’œuf un gros potentiel émotionnel ), mais ils sont vites effacés par de vrais moments de bravoures…
Et c’est cela qui amène le secundo, le véritable plaisir du film. Deux idées géniales, qui ramène l’ensemble vers le monde de l’enfance dans ce qu’elle a de plus jouissive, de plus beau. Bayona parvient à insuffler du suspens dans de simples jeux d’enfants, voir même à pervertir l’un deux pour le faire sombrer dans l’horreur. Et c’est dans ces moments magiques qu’il fait preuve d’une grand savoir faire, d’un amour réel pour son scénario.
Voilà donc Juan Antonio Bayona qui vient taper à la porte des grands. Il se glisse doucement entre le maître Balaguero et le surdoué Cerda. On imagine ces grands frères lui faire une petite place dans le cercle fermé et ultra productif du cinéma fantastique espagnol. « Maintenant, faut bosser dur gamin. Faut nous étonner. ». J’suis assez confiant…